Eretmodus marksmithi

Eretmodus marksmithi

Eretmodus marksmithi, un nom scientifique pour l’un des Eretmodus sp. « Nord ».

Oui, mais lequel ? En réalité, il existe deux Eretmodus du Nord différents d’E. cyanostictus, tous deux appelés « cyanostictus north », puis « north » tout court, ou encore « full bar » par les exportateurs, puisque contrairement au vrai E. cyanostictus dont les barres sont incomplètes sur les flancs, celles de ces Eretmodus remontent jusque dans la nageoire dorsale.

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Couple de E. cf. marksmithi avec un Eretmodus sp. « Ubwari » en bas à gauche, tous de Makombe

L’auteur de cette description n’est autre que Warren Burgess, descripteur de plusieurs cichlidés des lacs africains pendant les années 70, manifestement secondé par Mark Smith lui-même, qui
lui a fourni les spécimens, pêchés à Makombe, au Burundi et expédiés par Fishes of Burundi. La publication mentionne pourtant bien l’existence d’une espèce cryptique au sein des Eretmodus
sp. « Nord », révélée par un article de votre serviteur paru dans Cichlid News (n°4, 2009). Cet article montrait clairement, notamment par ses illustrations, les différences entre les deux formes et leur existence dans la même région du nord-Congo, ainsi qu’au moins une mention en Tanzanie.

Malheureusement, ces auteurs ont été un peu trop confiants dans le fait que les spécimens provenant de Makombe ne pouvaient être que le sp. « Nord » « classique », et non le sp. « Ubwari » de mes articles (pourtant cités en bibliographie) lequel, croyaient-ils, ne se rencontrait qu’au nord-Congo. Or, comme l’a révélé un addendum à la version française de mon article parue dans la RFC de septembre et dont les AFCistes ont eu la primeur, non seulement les deux espèces existent sur la côte est, mais elles sont toutes deux exportées simultanément de Makombe, manifestement confondues par l’expéditeur. J’ai ainsi pu constater à plusieurs reprises que les deux espèces étaient mélangées dans les lots en provenance de Makombe, et mes observations en aquarium ont confirmé les différences chromatiques, morphologiques et éthologiques entre les deux espèces déjà observées sur les spécimens nord-congolais.

En conséquence, il est plus que probable que la série type d’Eretmodus marksmithi (6 spécimens) contient des membres des deux espèces. L’identité exacte de l’espèce dépend donc maintenant de celle de l’holotype. Malheureusement, celui-ci est présenté mort, sa coloration est donc inconnue. Quant à sa morphologie, la photo –d’assez piètre qualité- ne permet pas de se faire une opinion de la forme de son museau. Par ailleurs et surtout, bien qu’il soit le plus grand de la série type, il ne mesure que 4,7 cm de longueur standard (env. 6 cm de longueur totale), une taille insuffisante, à laquelle les différences morphologiques sont moins tranchées que chez les adultes. Un autre spécimen photographié vivant par M. Smith montre un individu avec beaucoup de bleu sur la tête qui semble être un sp. « Ubwari », excepté que selon sa taille, et en fonction des réglages Photoshop qu’a pu subir la photo, il reste possible qu’elle représente quand même un jeune sp. « Nord ».

En bref, d’un point de vue pratique, notamment pour les aquariophiles, quelle espèce est censée représenter Eretmodus marksmithi ? Malgré les imperfections de cette description originale et les incertitudes qui subsistent, le plus pragmatique est de considérer qu’il s’agit bien du sp. « Nord », ne serait-ce que parce que c’est la position « officielle » de la publication, raison pour laquelle la plupart des auteurs retiendront cette identification. Il s’agit bien entendu d’un pis-aller, ceci dit, j’ai pu constater que statistiquement, le sp. « Nord » était nettement plus abondant dans les importations que le sp. « Ubwari » (environ 2 à 3 fois plus) ; l’holotype a donc davantage de chances de bien représenter l’Eretmodus sp. « Nord ». Quoi qu’il en soit, un travail taxinomique par comparaison des proportions de spécimens de taille similaire avec l’holotype (en particulier au niveau de la tête et de la bouche) sera nécessaire pour confirmation.

Patrick Tawil
21 novembre 2012

 

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