Mesonauta guyanae (II: De la nature Ă  l’aquarium.)

Mesonauta guyanae (II: De la nature Ă  l’aquarium.)

Article de Fabien Naneix – AFC : 1793-12

Photos de l’auteur.

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In situ, notre premiĂšre rencontre avec Mesonauta guyanae a eu lieu Ă  Colakreek, prĂ©s de l’aĂ©roport international de Zanderij, au Surinam. Cette petite riviĂšre du bassin de la Surinam River est un lieu de plaisance oĂč les gens de Paramaribo, la capitale, viennent encore passer une partie du week-end. En fĂ©vrier 2005, le courant Ă©tait trĂšs lent et l’eau, de couleur thĂ© trĂšs corsĂ©, affichait une conductivitĂ© de 40”S.cm-1 pour 28,1°C. Sous 80cm Ă  2m d’eau, le sol de sable blanc Ă©tait par endroits couvert de feuilles mortes. Quelques Ă©pais radeaux de Cabomba et de rares nĂ©nuphars formaient la flore aquatique. C’est Ă  l’abri de cette vĂ©gĂ©tation que se cachaient des groupes d’une petite dizaine de Mesonauta guyanae.

Alors que nous appĂątions avec quelques miettes d’une de ces brioches fourrĂ©es de noix de coco rĂąpĂ©e et colorĂ©e en rouge que vendent les Ă©piceries locales, nous aperçûmes les premiers individus. Facilement reconnaissables grĂące Ă  leurs grandes nageoires pelviennes claires, ce petit groupe de six ou sept individus avait rejoint, assez timidement, les Krobia guianensis et les nombreux CharacidĂ©s attirĂ©s par les appĂąts. Malheureusement, ces poissons sont trĂšs rapides et malgrĂ© un lancer d’épervier assez honorable, aucun Mesonauta guyanae ne fut ramenĂ©. Ce n’est qu’en prospectant Ă©nergiquement Ă  l’épuisette qu’un premier juvĂ©nile a pu ĂȘtre capturĂ©. Dans ce cours d’eau, ils cohabitaient avec Apistogramma steindachneri, Nannacara anomala, Cleithracara maronii, Crenicichla cf. saxatilis, Krobia guianensis


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Le mois suivant, nous revenons sur une branche de cette mĂȘme riviĂšre (systĂšme de la Surinam River) au niveau d’une plage amĂ©nagĂ©e au lieu dit Republiek. Ici, le lit de la riviĂšre s’élargit et forme une sĂ©rie de petits Ă©tangs au cours trĂšs lent, encombrĂ©s de nĂ©nuphars et de gigantesques radeaux de Cabomba. L’eau Ă©tait peu chargĂ©e, trĂšs teintĂ©e (Ă  la maniĂšre d’un thĂ© trĂšs fort). Nous y avons mesurĂ© une conductivitĂ© de 28”S.cm-1 pour 30,3°C en surface Ă  11h. Puisque le lieu s’y prĂȘtait, nous avons pu tirer la senne de 10m en rasant les massifs de Cabomba et en prenant garde de ne pas trop nous enfoncer dans le fond vaseux. Une demi-heure plus tard, nous avions capturĂ©, outre Mesonauta guyanae, de nombreux Krobia guianensis, seulement deux magnifiques Pterophyllum cf. scalare, quelques Cleithracara maronii, Cichlasoma bimaculatum, Hoplias sp., de nombreux CharacidĂ©s, Nannostomus beckfordi, Polycentrus schomburgkii, Gasteropelecus sternicla et Carnegiella strigata.

De retour Ă  Saint Laurent du Maroni, un groupe de Mesonauta guyanae de Republiek a Ă©tĂ© placĂ© dans un bac de 450 litres, puis dans un 760 litres plus spacieux, en compagnie de cinq jeunes Pterophyllum cf. scalare du mĂȘme lieu et six Apistogramma steindachneri collectĂ©s lors du mĂȘme sĂ©jour. Riches en feuilles de manguier et d’ « amandier pays », en racines et en bois flottĂ© (certains Ă©lĂ©ments arrivant jusqu’à la surface), avec un trĂšs lĂ©ger courant d’eau, ces bacs ont Ă©tĂ© conçus pour une telle population. Suivant la quantitĂ© des prĂ©cipitations, un quart Ă  un tiers d’eau est renouvelĂ© chaque semaine avec de l’eau de pluie. Nous ne mesurons que la conductivitĂ© qui se situe en gĂ©nĂ©ral autour de 80”S.cm-1 pour 27 Ă  28°C. Nourris avec des granulĂ©s, de la pĂątĂ©e maison comprenant une grande portion vĂ©gĂ©tale mais aussi, puisque M. guyanae est essentiellement herbivore, avec de la Cabomba cf. aquatica et de la Mayaca sp. que nous retirons en quantitĂ© de notre bassin de jardin, les jeunes poissons capturĂ©s grandirent et se dĂ©veloppĂšrent rapidement.

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De fait, environ trois mois aprĂšs leur capture, un jeune couple s’individualisait au sein du groupe et ne tardait pas Ă  dĂ©poser une petite centaine d’Ɠufs, dont beaucoup blanchirent, sur la face verticale d’une branche de bois. Probablement Ă  cause du jeune Ăąge des poissons, le peu d’Ɠufs encore sains disparut lors de la deuxiĂšme nuit, certainement mangĂ©s par les parents.

Le second frai de ce couple eut lieu trois semaines plus tard avec une efficacitĂ© accrue puisque le nombre d’Ɠufs Ă©tait supĂ©rieur, le patron de garde avec des barres bien marquĂ©es, les yeux montrant une coloration orange plus prononcĂ©e et une coordination du couple plus harmonieuse lors de la dĂ©fense du territoire ou des soins au frai. NĂ©anmoins, mĂȘme si cette fois le couple a menĂ© le frai jusqu’au stade de petites larves adhĂ©rant Ă  la branche de bois oĂč la ponte avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e, cette tentative s’est encore soldĂ©e par un Ă©chec.

Il nous a fallu attendre le cinquiĂšme frai qui eut lieu dans un aquarium plus spacieux (760 L) pour avoir le plaisir d’observer le couple menant un nuage d’alevins Ă  travers le bac. Le mĂąle mesurait alors environ 12 cm et la femelle 10 cm. Pleinement adultes, ils atteignent une taille d’une quinzaine de centimĂštres et en captivitĂ© s’approchent parfois de 20 cm pour les mieux nourris. Lors de la reproduction, l’incubation dure en moyenne un peu plus de 48h Ă  27‑28°C. Puis, avec l’aide de leurs parents, les larves sortent du chorion de l’Ɠuf pour ĂȘtre transfĂ©rĂ©es toujours sur un support plus ou moins vertical oĂč elles se dĂ©veloppent encore pendant prĂšs de 72h avant de s’essayer Ă  la nage libre. En attendant ce dĂ©but d’émancipation, les petites larves sont dĂ©placĂ©es environ deux fois par jour et accrochĂ©es prĂšs de la surface, le plus souvent sur une branche de bois mort. Elles se fixent au support quasi vertical grĂące Ă  une petite glande adhĂ©sive situĂ©e sur le dessus de la tĂȘte et bien visible lors des premiers jours. Lorsque la vĂ©sicule vitelline est rĂ©sorbĂ©e et que la nage libre est atteinte, il est assez Ă©tonnant d’observer les parents guidant leur nuage d’alevins trĂšs prĂ©s de la surface, contrairement Ă  de nombreux CichlidĂ©s chez qui les alevins se plaquent au sol Ă  la moindre alerte. L’élevage des jeunes ne pose pas de problĂšmes particuliers. Toutefois, nos bacs n’étant pas trĂšs sĂ»rs pour les alevins, nous en prĂ©levons une partie que nous plaçons au dĂ©part dans un petit bac « nurserie » suspendu dans la cuve des parents, sous la sortie d’eau d’un filtre gouttiĂšre. Ainsi les parents gardent leurs petits Ă  travers les parois du bac « nurserie » un certain temps mĂȘme aprĂšs que tous les alevins qui ont Ă©tĂ© laissĂ©s Ă  leurs soins aient disparus, Ă©parpillĂ©s par le courant .

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MalgrĂ© sa robe peu colorĂ©e, Mesonauta guyanae est un poisson attachant et agrĂ©able Ă  maintenir. En compagnie de cichlidĂ©s calmes comme les espĂšces du genre Pterophyllum, un groupe de cinq ou six individus de cette espĂšce donne un cachet bien particulier Ă  l’aquarium. De plus, en peuplant la couche d’eau supĂ©rieure, ils laissent libre la surface au sol pour d’autres cohabitants.

Au terme de la rĂ©daction du prĂ©sent article, je tiens Ă  adresser mes remerciements Ă  R. Allgayer et X. Longy pour les documents qu’ils ont bien voulu me transmettre, ainsi qu’à C. Toumi pour sa relecture critique toujours aussi efficace : « Gaan tangi fu yu, baala nanga sisa ! »

Références:

  • Kullander, S.O. & A.M.C. Silfvergrip. 1991. Review of the South American cichlid genus Mesonauta GĂŒnther with descriptions of two new species. Revue suisse Zool. 98: 407-448.
  • Schindler, I. 1998. Mesonauta guyanae spec. nov., a new cichlid fish from the Guyana shield, South America
  • Schindler, I. 2003. Die Gattung Mesonauta 2, Mesonauta guyanae, DCG-informationen 34 (7): 145‑151
  • Kullander S.O. & H. Nijssen, 1989 : The Cichlids of Surinam, E.J. Leiden
  • Longy X., 2003 : Les CichlidĂ©s de Guyane française, ThĂšse vĂ©tĂ©rinaire : Lyon, 02 dĂ©cembre 2003
  • Keith P., Le Bail P.-Y., Planquette P., 2000 : Atlas des poissons d’eau douce de Guyane (tome 2), Patrimoines naturels
  • MNHN
  • www.fishbase.fr
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